Interview 06
La retranscription d'une séance de dédicace au festival
BD de Versailles 2001 réalisée par Stéphane. Comme si vous étiez..
Début de l’interview avec turf pendant qu’il dessinait
une dédicace à un autre fan, Franck. Stéphane installe l’enregistreur,
pas trop prêt de Turf pour ne pas le géner dans son dessin.
Le copain de Franck : - Te mets trop prêt de lui
(Franck), il a la voix qui porte, on va entendre que lui.
Stéphane : On va croire que tu es Turf, on va te prendre pour
lui.
Franck : Je me permettrai pas.
Turf : Bon ben quand tu veux.
Stéphane : Donc tu as commencé à 18 ans ?
Oui, j’ai découvert les albums de François Bourgeon en cours
d’anglais, (rires autour) et c’est là que j’ai décidé que c’était
le métier que je voulais faire. Parce que y avait tout qui m’intéressait
dedans, la structure, de beaux dessins, de la couleur.
Et l’aspect « raconter des histoires »…
Oui, bien sûr, la BD c’est avant tout raconter des histoires.
Mais il avait surtout une façon d’écrire les dialogues qui me fascinait.
Qui m’a donné envie de commencer. C’était laborieux au début, parce
que j’étais parti dans le même style que lui, la BD réaliste. Mais
quand tu fait de la BD réaliste alors que t’as jamais dessiné, c’est
vite moche.
La barre était un peu haut pour débuter.
Oui, on peut pas… J’ai tout jeté, hein, j’ai rien gardé.
Est-ce que tu as jamais eu envie de développer
les rêves et les cauchemars. Avec les contes, les 3 fils du meunier,
le chaperon rouge… As tu jamais eu l’idée de développer ces petits
contes à part ?
Ben en fait, lorsque j’ai fait l’album le Petit Roy, ce devait
être un recueil de pages de rêves. A ce moment, j’était en tournée
de dédicace et des gens disait : « Ouais, des pages de rêves, il y
en a trop dans le dernier album. » Or il y en a que 5 et demi, je
te dis pas. (rire) Je me suis dit : « si j’en fais 30 pages, ils ne
vont jamais aimer ». J’ai abandonné l’idée d’exlibris et 30 pages
de rêves. Et j’en ai fait cet album là qui raconte la vie du Roy (inaudible)
Et toi l’idée en elle même, elle t’intéresse ?
Ah oui, oui, oui. Mais euh… je sais pas. Je me lasse vite
de ce que je fait. C’est pour cela que dans les albums, les séquences
elles durent maximum 10 pages. 10 pages, pour moi ça fait un mois
et demi quand même… Le récit est découpé comme ça.
Un fan : Dans l’ensemble de l’album, c’est
quoi, c’est travaillé à l’aquarelle ?
Non, ce sont des encres de couleurs. Les cauchemars sont
fait avec des gouaches. Autrement, il y’a un peu de tout. D’une page
à l’autre, il peut y avoir un peu de gouache, de l’acrylique, du feutre,
du crayon, ça dépends de ce que j’ai sur la table au moment où je
fais la couleur. En grande majorité, ce sont des encres.
Mais dans les rêves, il y a vachement de matière
?
Les rêves, c’est fait entièrement à la gouache, mais de la
gouache séche, et plusieurs couches de gouache.
Changement de dédicace, un fan demande le truc à
biscotte, le toaster, le fameux grille-pain.
Fan : Je voudrais le toaster ou alors le roy dans
sa barque…
Un grille pain.
Le fameux grille-pain, qui vient carrèment raconter
sur deux planches, l’agression… C’est venu comment l’idée absolument
démente du grille-pain qui fait penser presque à de l’image de synthèse
? Avec la reflection… une histoire racontée dans des reflets d’un
grille pain en Inox.
Ca tombe bien, cette idée je me souviens bien comment elle
est arrivée. Je voulais dessiner une cuisine, faire une énorme case,
comme je fais toujours, avec une cuisine remplies, des assiettes,
des couteaux, des saucissons pendus au murs… Mais ça me convenait
pas comme façon de démarrer en fait. Donc je me suis dit, je vais
faire une grande, mais, avec au milieu, une case où on voit le grand
coordinateur en train de déjeuner. J’ai trouvé le gag du grille pain,
marrant où il n’y a rien qui va. Ces tartines sont trop grillées.
J’ai développé ça en 3 cases, toujours inclus au milieu de la grande
case. Et après je me suis dit, mais mon grille-pain, pourquoi ne pas
continuer. Au lieu de développer ma cuisine, ma grande pièce, j’ai
développé ça sur deux pages. En fait, ma cuisine, je ne l’ai pas dessinée
pour la peine, on la voit pas. Pas de saucissons, on voit rien. Mais
j’étais content d’avoir trouvé cette idée là. Je l’avais pas copié
chez les autres. Ca veut pas dire que je copie chez les autres d’habitude,
hein ?
Fan : Ce qui doit se passer en ce moment, c’est
une influence générale par rapport à un courant…
Oui… Je trouve que dans les albums de mes camarades, c’est
trop facile d’être influencé par Tomb Raider et Stars War. Il faut
chercher d’autres influences. Il faut chercher au fond de soi. Moi,
Star War je peux pas avoir d’influence, je ne l’ai pas vu. Ni le 1,
ni le 2 ni le 3, ni le 4. Quant à Tomb Raider, j’ai pas la patience
de jouer à ces trucs là.
Fan : - C’est pas grave en soi…
Stéphane : De toute façon, pour développer un univers personnel,
à la rigueur tu peux pas passer ton temps à regarder ceux des autres.
Il y a quand même des moments, il faut nourrir ton imaginaire,
parce que sinon tu finis par tourner en rond. De temps en temps, j’ouvre
un bouquin de voitures, parce je m’aperçois que je dessine toujours
les mêmes. Il y a certaines formes des années 60 qui me plaisent…
[..] Moi j’évite, il m’est arrivé de refaire des pages parce qu’on
m’a dit que ça ressemblait à ceci ou à cela.
Fan : - En fait en séance de dédicaces,
il faut surtout pas qu’on te dises que ça ressemble à ceci ou cela…
On me l’a dit. Quand j’ai sorti le tome 1, on m’a dit c’est
Le Roi et l’Oiseau. Ca fait vachement plaisir. (rires). Il y a le
Roy, il y a des oiseaux, il y a un grand château, mais… c’est pas
du tout ce que je voulais faire. Quand j’ai sorti le Tome 2, on m’a
dit, c’est Iznogood. Le 3, la Planète des Singes (rires) Sur le 4
on m’a rien dit encore… Non mais c’est un peu énervant d’avoir des
étiquettes comme cela.
Annick : Surtout que dans le Roi et l’Oiseau,
le Roi est toujours méchant.
Oui.
Fan : Oui, le Roy de Tachycardiecinqettroisfonthuitethuitfontseize.
Quel talent !
Fan : C’est quand même un super dessin
animé. Je verse pas une larme à chaque fois, m’enfin bon..
C’est quand même le but.
Fan : Il est beau.
T’as d’autres questions ?
Stéphane :Je te laisse te reposer aussi…
Non mais c’est bon…
Au niveau des références, on a listé pas mal de
choses. On a le robot qui tire comme Lucky Luke par dessous la jambe.
Ouais….
C’est plus des clins d’oeils en fait.
Tu sais quand t’es gamin, dans les cours d’école, tu joue
comme Lucky Luke. Dès que t’as un pistolet dans les doigts, tu essaie
de le faire tourner, .. mon robot fait pareil. C’est pas forcèment
une référence à Lucky Luke. Des références, il y en a des tonnes…
Des références directes à Hergé, par ex. la couverture de l’album
2, l’Île Noire. Le nom de la barque, Marie Caroline, qui est le nom
du bateau des Passagers du Vent.
Fan : L’envie de faire autre chose ?
Stéphane : Ben c’est Gribouillis, non ?
Je devais faire gribouillis. Mais euh… j’ai des problèmes
avec mon ancien propriétaire, qui me fait un procès. J’ai besoin de
payer un avocat. Comme j’ai pas beaucoup d’argent, je préfère faire
la Nef des fous. Gribouillis, en fait, les ¾ du bouquin on
été payé pour que j’achète un ordinateur pour pouvoir faire l’album,
je gagne pas assez en faisant des pages, même en faisant 6/7 pages
par jours. Même si c’est du noir et blanc. Il y a des périodes de
l’années où j’ai des droits d’auteurs où je peux me permettre de faire
ça, mais ça tombait au mois de Novembre, et en Novembre on me fait
un procès. Ca sera repoussé au mois de Juin. Voilà. Pour rentrer dans
les détails… Ca m’embête de faire ça, l’idée m’est venu à l’époque
où je faisais la couverture du Petit Roy. C’ était il y a 3 ans, 3ans
et demi. Et depuis je fais la Nef des Fous, j’aimerai bien
faire cette histoire avant que quelqu’un ait la même idée que moi,
surtout que j’en ai déjà parlé. Et puis bon c’est une histoire qui
me plait, peut-être que dans 2-4 ans, je n’aurai plus envie de la
faire. T’as pas d’autres questions ?
Si. Dans le 4ème album, il y a de plus en plus
de blanc. On finit presque sur des pages quasiment blanches avec l’inondation.
Le blanc s’installe peu à peu.
La dernière page, c’est une réponse à la première. Il y a
une grande faille qui traverse page, et il y a un grand zigzag qui
traverse la page. On part du blanc vers la couleur. Ca permettait
de finir jusqu’à la page de garde. C’est juste esthétique. La dernière
page que j’ai fait là, c’est pas du tout ce que j’ai prévu. Ca devait
finir avec le début du tome 5… C’est àdire le robot…
A l’origine, si je me rappelle bien, c’était pas
prévu pour vraiment être découpé en album, la façon dont tu numérotes
tes pages c’est une continuité, pour toi.
J’essaie d’avoir une histoire intéressante, mais en gros
c’est toujours la même histoire. On peut pas lire les tomes dans des
sens différents, faut lire du tome 1 au tome… Dans l’ordre quoi… J’ai
du mal à m’exprimer,
Mais non !
il y a longtemps que j’ai pas rencontré de gens. Maintenant
que j’habite à la campagne…(rires puis pause) [NDT :Turf habite à
15 km près d’Angoulème ].
Fan : quel est le rapport avec la première
histoire (avec le savant fou et les robots) ?
Ca, ça a été fait avant .Je sortais des Beaux Arts. J’avais
fait plusieurs histoires qui provenait des noms de toiles de Géronimus
Bosh. Après j’ai travaillé sur ce projet, là la Nef des Fous.
Qu’est ce que ça pouvait être la Nef des Fous ? Au début, je voulais
faire une histoire d’un énorme dirigeable, qui transporterait une
ville. Mais à ce moment là, Mazan était en train de faire Le Grand
Mal avec des dirigeables. (http://www.bdnet.com/9782906187542/alb.htm)
Donc j’ai laissé tombé cette idée là. Je suis parti sur l’idée d’une
nef engloutie sous la mer. Voilà, je sais plus quelle était la question
?
Fan : - Mais la réponse est intéressante.
Merci.
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