Interview 13

Maintenant que ce tome est presque achevé, comment te sens-tu ?
Je me sens un peu fatigué. Je suis pressé de voir la suite et de voir l'album sortir, pour avoir les réactions des lecteurs. Là, je me sens bien mieux qu'il y a un an.

Quatre ans sans Nef des Fous, pourquoi ça été si long ?
J'ai eu la bonne idée d'acheter une maison et d'y faire des travaux, puis de faire de la publicité et un album rempli de gribouillis. Il faut ensuite compter un an et demi pour dessiner la suite de la Nef des Fous.

Ce cinquième tome sera-t-il l'avant dernier ?
Non, j'en prévois maintenant sept. Je n'ai pas encore terminé l'histoire, et ça s'arrêtera quand je mettrai un point final. Je rajoute des personnages, et je n'en supprime pas… Je ne sais pas encore comment conclure.

A quel moment as-tu réalisé qu'il te faudrait encore deux tomes pour finir la série ?
A partir de la moitié de cet album là, il est devenu clair que je ne pourrais pas finir sur le sixième tome.

Tu n'as pas peur de lasser ton public, ou qu'il passe à autre chose ?
J'ai déjà dû perdre pas mal de lecteurs, mais je me dis que j'en trouverai d'autres. Moi, je ne m'ennuie pas sur mon travail, et j'espère que les lecteurs ne s'ennuieront pas non plus en me lisant.

projet de couverture du tome 5

Est-ce que tu peux nous parler de la couverture de l'album ?
Non, pas précisément. J'ai dessiné un projet, il est terminé, mais Delcourt m'a demandé de réfléchir à une autre idée… Actuellement, je ne peux rien dire de plus. Je n'ai qu'une vague idée de ce que je pourrais représenter. C'est un album où j'ai vraiment eu du mal à choisir une séquence, un passage en particulier à redessiner. La couverture, c'est un énorme dessin, une illustration et je ne suis pas tellement illustrateur, je préfère raconter des histoires. Il me faut donc plusieurs cases pour être satisfait par ce que je fais. Je ne suis pas à l'aise quand je fais un seul dessin.

La machine à explorer le temps, par H.G. WELLS.

Ce projet de couverture est différent de ce que tu fais habituellement..
Oui, effectivement. On y voit une jeune fille, et c'est la première fois qu'il y en aurait eu une. Cette illustration fait aussi un peu héroïc fantasy, alors que ce n'est pas du tout le style de la série : elle est plutôt fantastique, un peu à la H.G. WELLS, dans La machine à explorer le temps. En même temps, ce n'est pas comme ça que je vois mes monstres, ce ne sont pas des elfes, ni des gobelins : ce sont des créatures dans un monde fantastique. Sur ce projet de couverture, il y a moins le côté ludique de la Nef, qui vient du fait que les personnages ont des pois ou des rayures sur leur vêtements. Mais la Nef des Fous ne se résume pas uniquement à ça. La construction de la couverture est différente : j'ai dessiné des personnages en gros plan contrairement à ce que j'ai fait pour les autres couvertures. La mise en page est en X, je ne sais pas si ça se fait, d'habitude on fait une diagonale, on cale à droite, à gauche ou au centre. Moi, je fais en forme de X. Je ne sais pas si c'est très lisible, c'est peut être justement ce qu'il ne faut pas faire.

Ce projet dévoilait une des scènes tout à la fin de l'album. Ca ne casse pas un peu le suspens ?
Je n'en sais rien. Les retrouvailles avec Chlorenthe, c'est le moment le plus fort de l'album. Est-ce que c'est ce passage qu'il fallait mettre sur la couverture ? Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression que mes couvertures soient très vendeuses, je n'ai aucun repère par rapport à ça.

Dans l'album, le Roy Clément regarde l'émission les chiffres et les lettres. D'où est-ce que ça vient ?
Dans les chiffres et les lettres, j'aimais bien le "compte est bon", la partie sur les chiffres, mais pas la recherche du "mot le plus long" : avec mon orthographe désastreuse, j'étais incapable de le trouver. Dans cette séquence, je voulais montrer que Clément a une vie pépère, qu'il n'a pas forcément bon goût. Pour un roi, il a peut-être mieux à faire dans la journée que de regarder ce type d'émission, surtout quand son royaume est en train de s'effondrer. Pour éviter un procès, le jeu ne s'appelle pas des Chiffres et des Lettres, mais La Neuvième Lettre, et les joueurs ne doivent plus trouver le "mot le plus long", mais "le mot le plus allongé".

Titeuf par ZEP © Glénat - Zep

Il y a aussi un petit clin d'oeil à ZEP. Tu l'apprécies ?
ZEP fait un travail de qualité. Tu ouvres n'importe quel bouquin de ZEP, sauf peut-être le dernier (note : Nadia se marie), et c'est drôle. Il arrive à faire rire un large public, même ceux qui n'ont jamais ouvert de bandes dessinées. Il y a quelque chose de fort derrière. J'apprécie son travail, moi je ne saurais pas faire un dessin rapide aussi bien et des gags forts sur presque chaque page. Il est l'équivalent d'un FRANQUIN, ou d'un GOSCINNY au niveau du gag.

Les Editions Delcourt semblent décidées à mettre le paquet pour la sortie de Puzzle. Tu peux nous dire ce qui est prévu au niveau promo?
Il va y avoir un fascicule de seize pages, tiré à quarante mille exemplaires, distribué gratuitement en librairie, qui comprendra une courte séquence de l'album, une petite interview, et des textes explicatifs sur la série. Il va aussi y avoir un album offert aux libraires avec dos toilé et signature à l'intérieur, pour refidéliser les libraires, et leur rappeler que la série se vendait bien autrefois. A un moment, on a pensé faire un trou en forme de pièces de puzzle dans la couverture, mais cette idée a avorté à cause de budget : un euro supplémentaire par album n'aurait pas suffit à la financer. C'est dommage parce que ça se rapprochait vraiment de l'esprit de la série pour les personnes qui connaissent tous les produits dérivés que j'ai fait à côté. Et ça aurait permis au grand public d'avoir un album un peu différent. Il faudra peut-être que je soumette l'idée pour voir si c'est faisable pour le tirage de tête de cet album, mais, si les tarifs sont prohibitifs sur 14000 exemplaires, je me demande ce que ça doit être pour 500 exemplaires…

Le Roy Clément © Delcourt - Turf - Hazgaard

Y a-t-il des objets dérivés en préparation ?
Il y a des statuettes en plomb de 16 personnages de la série, éditées chez HAZGAARD. Un tirage de luxe de cet album est également prévu chez Folle Image. Il sera vendu avec le tirage de luxe de Gribouillis pour que les amateurs de la Nef découvrent cet album.

Il paraît que tu ne veux pas perdre de temps à faire d'ex-libris. Y arriveras-tu ?
Je dis ça à chaque album : pas de dédicaces, pas d'ex-libris. Mais j'ai déjà accepté 3 posters, et une tournée de dédicace…

Comment s'annonce la suite de la Nef des Fous ?
L'album devait commencer par une planche de Jean-Luc LOYER, mais comme j'ai changé la séquence de fin du tome 5, elle n'apparaîtra finalement qu'au bout de trois pages. Sur cette planche, on voit Clément qui lit une bande dessinée comme Zig et Puce, avec des petits enfants et un robot. Et Clément trouve ça stupide, sauf qu'à la page d'après, c'est lui-même qui croise un robot. Ca me permet de faire une petite réflexion sur ma bande dessinée : est-ce qu'elle est vraiment bébête ? Le résultat à la lecture des planches peut-être intéressant. Mais, là on parle de quelque chose qu'on verra dans 2 ans, 3 ans… On va dire 2 ans. Je vais essayer d'aller plus vite.

De Cape et de Crocs © Delcourt - Ayroles - Masbou

Dans une précédente interview, tu confiais que tu aimerais travailler en collaboration avec Alain AYROLES ?
Oui, si je n'avais pas 5 ans de Nef des Fous encore à faire. Si je devais choisir un scénariste en imaginant que j'ai un jour des pannes de scénario, je ferai appel à Alain AYROLES, parce que c'est le meilleur actuellement. Je ne lui en ai pas encore parlé, je ne veux pas l'embêter. Il a déjà plusieurs séries qui lui prennent beaucoup de temps : c'est un gros travailleur, il réécrit plusieurs fois ses séquences.

Qu'est ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?
Pour commencer, plus de ventes que le tirage prévu initialement, histoire de me redonner un peu le moral. Et surtout, des ventes qui me permettent de continuer à faire de la Nef des Fous et à en vivre. Le meilleur moment dans ce boulot, c'est quand on trouve des idées à sa table, et quand on croise des gens en dédicace qui ont adoré : ce sont les moments les plus fort.

Merci.

Interview réalisée le 25 janvier 2003 par Fabien Bourg

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